par jadlat

Le mindmapping, carte dessinée et carte logicielle

9 octobre 2011 dans Outils
3 commentaires »

Cet article est initialement publié sur mon blog. Il s’inscrit dans un travail sur le mindmapping que je mène depuis quelques mois. Je m’interroge ici sur les distinctions entre une carte mentale dessinée et une carte mentale logicielle.

Dans le cadre d’une formation que je prépare, je viens de faire une carte de présentation dessinée.

Voici les 5 images construites à partir d’un premier brouillon jusqu’à la réalisation finale. Je ne suis pas un grand dessinateur loin de là, mais j’avais envie de tester ce que cela pouvait donner. J’ai encore beaucoup à apprendre pour arriver à un résultat convenable mais je suis quand même satisfait du résultat en regard de mes compétences.

Si j’ai fait ce travail, c’est aussi pour me rendre compte des différences qu’il y a entre le passage d’une idée sur le papier et son expression logicielle. Et surtout, en ce qui concerne le papier, le recours à un travail graphique qui utilise pleinement tous les aspects du mindmapping. D’abord les résultats de mon travail avant la réflexion sur les différences. Ami lecteur, vous pouvez donc passer cette étape pour arriver aux conclusions que j’en tire.

Mon travail préparatoire

Présentation de soi dans une formation, première ébaucheCe premier dessin est une ébauche de ce que je veux mettre. Je l’ai écrit à la va-vite. L’objectif est de jeter les idées et déjà de les organiser. AU centre j’ai dans l’idée de mettre en avant ma trombine dessinée.

Présentation de soi dans une formation, version intermédiaire 1C’est la première carte aboutie avant colorisation. La carte est composée.

Présentation de soi dans une formation, version intermédiaire 2Après colorisation. Je ne suis pas satisfait par l’image centrale. J’ai aussi repassé au feutre les mots clés, ce qui les rends illisibles.

Présentation de soi dans une formation, version finaleJ’ai repris au début le projet en changeant l’image centrale qui est plus aboutie même si, dans le détail, j’ai un oeil qui part en vrille. J’ai rajouté la flèche du temps et j’ai inversé les jalons cartographiques de ces 20 dernières années. Je suis assez fier de la représentation du tas pour indiquer la formation « sur le tas, ainsi que la représentation du diplôme à l’intérieur duquel se trouve donc… mes diplômes. Sur la colorisation, ce n’est pas encore ça. J’ai par contre rajouté les nuages et les liens transversaux. Il me semble que ces derniers surchargent la carte. On ne peut peut être pas tout mettre sur une carte papier.

Pourquoi ces images alors que les logiciels de mindmapping permettent de manière simple de faire le même travail. Voici donc la même carte sous freeplane.

Concernant cette carte, il y a deux erreurs à remarquer, la première c’est la mise en avant d’un élément anecdotique (le tas). La seconde, c’est la difficulté à se servir de cette carte pour faire une présentation. Les nuages et les liens transversaux vont gêner la présentation.

Les avantages de la carte dessinée

Et maintenant essayons de répondre à la question. Pour commencer il me semble que nous avons là quasiment deux modes de représentation différents. Même si on final on obtient une forme avec un centre, des branches et des mots clés (pour faire simple), le résultat n’est pas identique et la construction de la carte non plus.

En création, le passage par le dessin est un puissant vecteur de concentration. La lenteur de la construction graphique introduit permet du temps pour la mémorisation. De la même manière que dessiner permet de se concentrer, il y a dans le dessin de la carte un exercice de concentration. Le dessin suit les contours de notre pensée. Il y a une fluidité du dessin alors que l’écriture ressemble parfois à un combat pour faire correspondre pensée et expression écrite. Il y a dans cette temporalité lente quelque chose du travail de l’artisan.

Le second point qui me paraît intéressant, c’est l’utilisation de plusieurs média pour accoucher d’une idée dans le sens de la maïeutique socratique. Passer par le dessin permet de mieux exprimer une idée pour ensuite mieux se l’approprier. C’est ce que postule Paivio dans la théorie du double codage (découvert via Xavier Delengaigne). Les mots et les images se combinées permettent une meilleure compréhension d’une idée.

Troisième point, contrainte par la page, la carte demande une économie de moyen et donc une réflexion forte sur le mot clé qui va exprimer l’idée. C’est une contrainte forte qui va favoriser concentration, mémoire et réflexion à la recherche du mot le plus adéquat.

Le quatrième point est de créer une image. Je ne crois pas qu’un logiciel, aujourd’hui, permettent de créer une image globale, comme une peinture ou une photo. Il y a donc ici une séduction de l’image qui plaît ou ne plaît pas avant de pouvoir en travailler le sens en la décrivant puis en l’interprétant. Construire cette image c’est faire le travail du photographe ou du peintre qui se laisse à la fois conduire par la toile en même temps qu’il essaye d’exprimer ses idées.

Le cinquième point c’est, comme le montre ce travail d’Elise Olmedo, introduire de la sensibilité dans les données. Les données sont travaillées en même temps que la matière, les formes, les couleurs. La carte devient un objet signifiant en soi. Le retour du subjectif se retrouve également dans l’observation participante et dans la construction de ses connaissances. C’est la position de l’ethnologue qui change autant qu’il observe. Il observe et il apprend de ses observations. Et cette subjectivité doit désormais faire partie de l’objet. Ici en l’occurrence, la carte.

Représenter l’univers d’une femme marocaine à travers une carte sensible. from Elise Olmedo on Vimeo.

Le sixième point, c’est le recours à un environnement culturel partagé. Les couleurs ont une symbolique. Les mots sont des mots clés et des tags. Ils sont des formes. Il existent tout un vocabulaire iconique qui va du plus réaliste au plus schématique et au plus abstrait. Les formes et les lignes renvoient aussi à un univers géométrique que nous percevons.

Cet environnement culturel est un environnement historique mais aussi en construction. De nouveaux sens sont crées tous les jours. de nouvelles formes évoluent. Nous baignons dans des langages et des signes. Le langage de la photo, de la peinture, de la sculpture, de la bande dessinée, du street art, des graphiques, de la publicité…

Enfin le passage l’emploi de plusieurs brouillons permet de garder la trace du travail réalisé. De la même manière l’évolution de la carte dans le temps va demander la création/recréation de cette carte. Ces formes successives archivées sont alors la trace de l’évolution d’une pensée.

Et pour finir, il y aussi dans le mariage entre le texte et l’image l’idée puissante du grifffonage. Griffonner sur ses notes, c’est donner une identité du moment à ses notes ; c’est embarquer une part du contexte qui les a fait naître, c’est à dire un moi qui note à un moment donné ; c’est enfin permettre une meilleure concentration par l’élimination des distractions possibles.

Les avantages de la carte logicielle

Qu’en est-il du logiciel. Un premier avantage est la souplesse d’utilisation. Il n’y a pas besoin de faire plusieurs dessins et brouillons. On peut manipuler les nœuds, les poser à un endroit, ou à un autre.

Souplesse également quand il s’agit d’exprimer les idées. On passe de la dictature du mot clé à l’emploi de périphrase, voire de phrase entière. A noter que ce passage est aussi ce que l’on constate dans l’usage des moteurs de recherche.

Là où le dessin donne du temps et permettait la concentration, la facilité d’usage et de manipulation permet de passer d’une idée à une autre et de construire la carte par itération. Je passe d’un nœud à un autre et je reviens ensuite à ce premier nœud. Ce qui est alors privilégié c’est le fonctionnement analogique du cerveau qui passe d’une idée à une autre au détriment de l’expression d’une idée sous plusieurs formes. Il s’agit alors de dépasser en douceur les blocages qui surviennent dans l’expression des idées comme un moyen de noter dès qu’une idée apparaît par rebond analogique.

Autre point fort, c’est la possibilité de lier. C’est la puissance de l’hypertexte par opposition aux pages que l’on égrainent. Avec un logiciel, on peut lier des fichiers, des pages web, de nouvelles cartes, des images etc.

Les notes sont aussi très intéressantes car elles permettent de réintroduire du texte et du contenu. Il y a là la possibilité d’approfondir la pensée et de ne pas laisser la signification uniquement dans les marqueurs (mots clés ; icones). Il y a donc tout un paratexte qui s’installe autour de la carte par les liens et les notes.

Les exports sont aussi un point fort de la carte. on a là également la reprise d’une différence fondamentale entre numérique et analogique, c’est l’appui sur une base de données ce qui permet d’exporter en différents formats. Le dessin reste figé dans le contexte qui l’a vu naître. La disparition du contexte le rendra illisible à moins que ne s’instaure un jour, comme pour les arts, une histoire des cartes mentales.

La frontière de la cartes est également intéressante. On peut aller plus loin dans les subdivisions de branches sans perdre en visibilité. Il y a donc la possibilité de traiter des idées complexes, nécessitant de grande masse de données, de manière beaucoup plus fine. La carte logiciel privilégie donc nettement l’aspect classement/organisation au détriment de l’expression graphique de l’idée.

POur conclure, il me semble que nous sommes avec la carte dessinée du côté de la mémorisation alors que nous sommes du côté de l’organisation avec la carte logicielle. Les prochaines évolutions logicielles pourraient permettre d’associer les avantages des uns et des autres : puissance du dessin et visualisation, appropriation et analogie etc.