Ce titre à la manière de qui vous savez, pourrait aussi s’intituler « cette forme n’est pas une mise en forme mais un gabarit ».
Madmagz est un site, type 2.0, que j’ai découvert dernièrement et qui me semble récent si j’en juge par le copyright. Il fournit un service de création de journaux à partir de templates sélectionnés par l’usager. Tout le monde peut désormais faire son propre journal qui aura une apparence professionnelle ou qui va permettre à des structures peu importantes de construire leur journal à moindre frais. Pourquoi pas ?
Pourquoi alors ce titre un peu doux-amer ? Parce qu’une des cibles visées est le scolaire :
Scolaire : journal de classe, de lycée, TPE, BDE…
… et plus particulièrement les TPE pour travaux personnels encadrés.
Je n’aurai pas eu besoin de m’en inquiéter si justement nous n’étions pas en pleine finalisation des TPE dans l’établissement où je travaille. Et si justement quatre groupes n’étaient pas venu me voir, directement ou indirectement, pour soit me demander d’enlever une mention, soit me demander si je n’avais pas entendu parler d’un site qui…, soit ce qui m’ennuie encore plus qu’il n’avait pas trouvé l’outil adéquat en interne.
Il s’agit d’une production collective répondant à une problématique construite par le groupe d’élèves et évaluée au baccalauréat. En ce qui concerne le sujet de ce billet, on peut noter que « les élèves peuvent envisager tout type de réalisation sur des supports divers tels que maquettes, poèmes, une de journal, dossier écrit, expérience scientifique, vidéo, représentation théâtrale, pages Internet, affiches, etc. »
Il s’agissait même d’un des aspects les plus importants des TPE : la construction par les élèves d’une forme innovante (par rapport aux traditionnelles demandes scolaires) en adéquation avec le contenu du TPE et respectant les codes en vigueur pour cette forme. Ce n’est pas anodin même si la production compte peu dans l’évaluation finale, elle l’influence fortement car elle est le résultat d’un processus maitrisé dans lequel évolution du groupe, mise en forme et apprentissages cognitifs individuels interviennent de concert.
Faire un journal, pouvait donc être une des formes choisies (et je l’ai vue plusieurs fois et avec souvent des trésors d’inventivité de la part des élèves). Il s’agit donc pour les élèves de réfléchir en terme de mise en page, de paratexte, d’ours, de choix d’une charte graphique en cohérence avec le contenu.
Il s’agit ainsi de scénariser la production en travaillant sur la cohérence des articles journalistiques et en multipliant les formes choisies (interview, article exposant un fait, édito…) afin de pouvoir présenter la problématique et y répondre.
Il s’agit aussi de travailler sur le rapport entre l’image et le texte et sur la mise en page de l’article entre images, textes, encadrés, mise en avant des éléments clés etc. visant à ce que les différents éléments se renforcent les uns les autres afin de faire passer un message.
C’est un authentique acte de création. Et cet acte est outillé. Soit les élèves passent par le collage en lien avec un outil de traitement de texte et cela peut donner de très bons résultats, soit il utilisent un outil dédié pour la conception et la réalisation complète de leur journal. Il travaille donc avec des objets qu’ils manipulent et construise les pages les unes après les autres.
La charte graphique est appliquée a posteriori ou les élèves, avec un peu plus de maitrise des outils, peuvent créer des templates (les fameux gabarits) permettant d’évacuer la mise en forme une fois pour toute.
C’est aussi un apprentissage des règles de la forme qui influence fortement le contenu. Pour ceux qui ont un doute, que serait twitter sans ces 140 caractères ? Et les écoliers sans la marge rouge de leurs cahiers ?
Où est le problème ? Justement il est dans cette notion de gabarit.
Selon Wikipedia :
Un gabarit, souvent nommé en informatique template ou layout1, est un patron de mise en page où l’on place images et textes. Aussi, il est souvent utilisé de manière répétitive pour créer des documents présentant une même structure. On parle aussi de patron comme en couture ou bien, parfois, de grille.
Dans un système de ce type, la forme n’est pas faite par l’élève qui se contente de faire du copier coller et d’uploader des images dans des places prédéfinies. Il n’y a plus de travail de création de la part de l’élève, qui n’a par exemple pas la possibilité de partir d’une page blanche pour construire sa forme mais qui joue avec des objets qui lui sont donnés, souvent sans se soucier de la cohérence entre contenu et contenant, pourvu que cela fasse joli ; pourvu que cela fasse vrai !
Surtout on va assister à une standardisation des formes, comme on peut le voir par exemple dans les blogs où quelque soit les templates choisis perdure l’identité de la plateforme. On sait ce qu’est un blog wordpress par exemple. C’est bien pratique pour communiquer mais cela laisse peu de place à la créativité et surtout à l’apprentissage. Et je suis quelqu’un qui pense que nous devrions tous apprendre le html et mieux le php et le css.
Enfin, last and least, la sortie pdf est payante à 9,90€ et pour une sortie professionnelle, il y a le passage par un devis. Pour l »obtention, du bac, un élève pourra payer 9,90€ ou plus et croire qu’il a fait le boulot. Cependant il va se trouver de plus en plus exclu de la mise en page, de la mise en forme et finalement de l’apprentissage. C’est dans la mise en forme qu’il y a apprentissage. Et sous prétexte de nous faciliter la vie par des technologies de plus en plus transparentes, et de nous pousser à ne considérer que le contenu il y a exclusion de la mise en forme.
Je crois que ces technologies nous asservissent au lieu de nous libérer.
Article initialement publié sur mon blog
15 Replies to “Madmagz, ceci n’est pas un journal”
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Ce service semble en effet très simple d’utilisation et semble permettre à tout un chacun de créer un magazine d’aspect très pro 🙂
Voici une vidéo qui illustre son fonctionnement :
La « forme » ne fait cependant pas tout et il faudra quand même soigner le « contenu » pour que la lecture du magazine soit intéressante !
Mais je comprend bien ton propos et y adhère, viser les TPE n’est pas forcément bienvenue : travaillez la créativité quand à la forme des devoirs rendus étant tout aussi important que travaillez le contenu. Au mieux cela risque de « normaliser » les TPE qui se ressembleront tous ; au pire cela risque d’amplifier la fracture entre ceux qui bénéficient d’internet (et des conseils pour l’utiliser) et ceux qui n’y ont que difficilement accès.
Dans d’autre cas d’usage, le service peut être intéressant : par exemple pour créer un journal de classe, un journal d’établissement, voire un journal de parents d’élève … 🙂
Je comprend aussi ta remarque concernant la standardisation des formes, remarque qui dépasse le cadre de ce simple service. En effet, pour sortir du « moule » proposé par les services « clef en main » que l’on trouve sur le web, il faut disposer de certaines compétences. Je pense cependant que ce n’est pas forcément un mal. Sans ces services nous sommes très limité, c’est quand même grâce à eux que beaucoup peuvent communiquer sur le web alors qu’ils n’ont aucune compétence informatique ! On peut faire mieux en se ré-appropriant la forme mais cela nécessite des compétence et un investissement (en temps) parfois considérable. Par contre, oui cette standardisation est une conséquence et n’apporte rien de bon. Mais je préfère lire des articles écrits par un peu tout le monde (même si leur forme est identique) plutôt qu’uniquement ceux écrit pas des journalistes qui ont la compétence de donner une forme différente à leur propos … mais qui ont malheureusement standardisé le fond depuis longtemps 🙂
Enfin, ces technologies ne nous asservissent pas forcément et obligatoirement comme tu sembles l’indiquer dans la chute de ton article … il y a un risque, mais pas d’obligation. D’où l’intérêt d’éduquer à leur usages, et d’apprendre à les utiliser dans le but de nous libérer 🙂 Mais pour cela, encore faut-il y être sensibilisé et en avoir compris les risques : donc merci beaucoup pour cet article qui met l’accent sur certains de ces dangers !!
Merci pour ta réponse Olivier qui tempère mes propos en même temps qu’elle me permet d’approfondir ma réflexion.
Tu dis, « au pire cela risque d’amplifier la fracture entre ceux qui bénéficient d’internet (et des conseils pour l’utiliser) et ceux qui n’y ont que difficilement accès. » Je ne crois pas que l’accès soit l’enjeu même si le risque est réel, par contre l’usage autonome et libérateur, au sens où je l’entend en conclusion, oui.
Je vais te donner deux exemples d’utilisation que j’ai vu. Dans les deux cas, l’accès internet de l’établissement est ouvert et dans les deux cas il y a internet à la maison. Par contre je ne peux pas savoir quels en sont les usages non scolaires.
Le premier cas, c’est un groupe qui a découvert ce service et qui y a trouvé une porte de sortie. C’est un groupe que nous n’avons pas vu en accompagnement, qui n’a jamais fait appel à nous. Il n’y a que deux solutions possibles, soit on a à faire à un groupe particulièrement autonome et c’est tant mieux, soit on a à faire à un groupe qui se cache ou qui ne sait pas comment demander. Nous sommes dans ce second cas.
Ce service apparaît alors comme une porte de sortie. Il n’y a pas de construction, pas de réflexion mais juste une volonté d’en finir avec ce que je suppose être un grand soulagement.
Au jury de TPE, pour le bac, soit ça passe et les examinateurs n’y voient que du feu et c’est tant mieux pour eux dans l’immédiat de l’obtention du bac, soit ça ne passe pas et ils ne sauront pas argumenter leur choix de ce service, ni probablment le rapport entre la forme et le fond.
De toute manière, en terme de formation, on est à pas grand chose. On a par contre ancré dans l’inconscient de ces mômes que la technologie était la réponse au détriment de l’effort à fournir.
Dans le second cas, le groupe a choisi ce service en désespoir de cause car ils n’ont pas eu accès, et là le problème est l’accès, au logiciel de PAO qui va bien. Ils auraient pu travailler avec un traitement de texte, ils ont trouvé ce service et c’est la loi du moindre effort qui a primée. Je ne m »‘inquiète pas pour eux, car ils ont eu au préalable une réflexion sur la forme attendue.
Que se passera-t-il à l’oral si on leur demande où est leur plus-value ? Ils pourront argumenter, j’en suis persuadé, sur la forme que doit prendre un journal et pourront justifier de leur choix par un principe d’efficacité et de gestion du temps. Qui leur reprochera ?
On est sur deux cas différents, dans le premier, la technologie enchaîne, dans le second, elle libère.
Personnellement, j’ai peur que ce soit le scénario 1 qui soit à terme celui qui prévaudra.Et puis j’en reste à mes arguments sur l’obligation de maîtriser la forme même si effectivement le discours est aussi une forme et je te rejoins sur ce que tu dis des journalistes.
>Merci pour ta réponse Olivier qui tempère mes propos en même temps qu’elle me permet d’approfondir ma réflexion.
L’enrichissement est mutuel !! Et la technologie est ici un simple moyen d’échanger, elle n’est ni libératoire ni asservissante 🙂
Concernant l’accès à l’internet, tu as raison : il est de plus en plus répandu. Mais je doute que tout un chacun ai les moyens de l’utiliser judicieusement. Par moyens, j’entends : conseil et accompagnement. Ne penses-tu pas que des parents voir des profs eux même pourraient conseiller Madmagz à leur élève sans en comprendre l’impact sur leur apprentissage ?
>j’en reste à mes arguments sur l’obligation de maîtriser la forme
Dans le cadre de l’apprentissage, tu as tout à fait raison ! Je disais que ce n’était pas forcément un mal en considérant le sujet de la standardisation des formes au blog and co, et dans ce contexte extra-scolaire j’aurai plutôt du dire c’est un mal pour un bien 🙂
Mais les scénarios détaillés que tu présentes me font aussi penser à autre chose : est-ce que les jury sont tous à même de cerner quel est l’outil utilisé par les candidats ? Je n’oublierai jamais le premier devoir que j’avais rédigé sous PageMaker (un exposé d’une page sur Vincent van Gogh) : j’avais eu zéro avec une mention du type « prendre une photocopie d’un bouquin et considérer avoir fait son exposé n’est pas acceptable« . Mes parents avaient du se déplacer pour expliquer que j’avais fait un vrai boulot de recherche, de synthèse et de mise en page. OK, c’était il y a 20 ans …
Jadlat, je « tempère tes propos » mais je pense néanmoins que la technologie peut-être asservissante, d’où l’intérêt de s’éduquer et d’éduquer à leur usage, d’où l’intérêt d’Apprendre 2.0 🙂
>je te rejoins sur ce que tu dis des journalistes.
Et pourtant … qu’est-ce que l’on aimerai avoir tord sur ce point, non ? 🙂
Sur ta question sur la prescription, il y aura des enseignants et des parents pour prescrire cet outil, oui car il y a toujours le discours entre l’efficacité de la production vs le temps long de l’apprentissage.
On crève quelque part de la démarche de projet qui veut qu’il y ait un terme comme si il y avait un terme à l’apprendre (et pourtant j’en suis un défenseur)
J’en ai parlé à mes collègues et personne n’y a vu rien à redire. Et même après avoir étalé mes arguments, on en est resté à « mais c’est pareil qu’un powerpoint » ou « tant pis pour eux si le jury s’en rend compte« . Sur les jurys, bin oui !
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pour ça il faudrait qu’on soit des vrais profs et pas des prestataires de service qui se faufile dans les zones d’ombre du système comme des braconniers et des voleurs. Non car je n’ai pas de classe en charge, je n’ai pas de programme, je ne suis qu’un meuble que l’on bouge au grè du vent.
Désolé pour cette poussée de fiel mais j’ai un peu beaucoup mal à mon boulot en ce moment !
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Bonsoir,
Je vous remercie de cet article, intéressant et argumenté. La discussion l’est tout autant.
Je suis le fondateur et dirigeant de Madmagz. Encore que je sois de parti pris, je vais essayer d’être objectif.
Je commencerai par votre conclusion. Les technologies, ce sont des outils, c’est à dire une des choses qui nous distinguent des bêtes. La roue, le papier, l’ordinateur, etc. sont des technologies qui nous permettent de dépasser nos limites. Après, selon l’usage que l’on en fait, l’intelligence qu’on en a, elles nous libèrent ou nous asservissent.
Madmagz, vous avez raison, appartient à la famille du Web 2.0 : ces YouTube, Flickr, WordPress, etc. qui vous affranchissent de coder, de designer pour publier vidéos, photos, billets, etc. Le Web 2.0 a été révolutionnaire parce que le Web, soudain, n’a plus été l’apanage des développeurs – ceux qui maîtrisent le code – mais de tout le monde. Je crois qu’il faut choisir son camp et, pour ma part, je choisirai toujours un Web où le plus grand nombre peut s’exprimer sans barrières techniques.
Enfin, sur le cas précis du magazine. On n’est pas quitte de toute réflexion en utilisant Madmagz : que dire ? où le trouver ? comment l’organiser ? comment le faire tenir dans les gabarits ? que vérifier ? Etc. C’est vrai, on ne crée ni ne modifie les gabarits. Mais comment ignorer que c’est un métier de concevoir une maquette de magazine ? Quels élèves, quels enseignants mêmes le connaissent ce métier ? Et puis, savez-vous que les journalistes travaillent ainsi ? On leur dit : 2000 signes, et on « met en boîte ». Cela n’empêche pas le travail journalistique.
En vous remerciant encore du billet et vous souhaitant une excellente année.
PS : quelques exemples de créations dans le cadre scolaire : http://education.madmagz.com/fr/.
PPS : Un mot de Gide 🙂
Youssef, merci pour cette intervention constructive 🙂
Personnellement j’ai été agréablement surpris par les possibilités qu’offraient Madmagz. Je l’ai testé rapidement et ai été pleinement satisfait du petit 4 pages que j’ai pu créer en moins d’une heure. J’imagine de nombreuses applications possibles, dans un contexte personnel comme professionnel et en effet aussi dans un contexte scolaire.
Cependant je comprend très bien la déception de jadlat qui constate que certains élèves risquent de passer à coté d’une certaine phase de leur apprentissage !
Comme souvent, ce n’est pas l’outil qui est remis en cause mais l’usage que l’on peut en faire … et dans le cas précis d’une utilisation pour réaliser des TPE, le problème est certainement que la majorité des utilisateurs (professeurs/élèves/jury) n’est pas encore prête à l’utiliser =ne sera pas mettre en œuvre la réflexion que vous évoquez.
Ceci dit, l’outil peut créer de nouveaux usages … surtout lorsque l’on en discute et que l’on cherche ensemble à « mieux » les utiliser. Merci donc de participer avec nous à ce débat 🙂
Merci Olivier. Oui, je suis d’accord, c’est un point fréquent avec les nouvelles technologies : elles ferment des options (l’imprimerie a « tué » l’enluminure, l’automobile la diligence, etc.) mais elles en ouvrent de nouvelles et il faut du temps pour que les usages, les réglementations, etc. suivent.
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