l ’ histoire coloniale et idéologique des pays Africains les a conduits à entreprendre d ’ inculquer les compétences scripturales dans les langues coloniales, donc des médiums autres que les leurs.
Ainsi, alors que les systèmes éducatifs des pays de l’Afrique de l’ouest utilisent des langues étrangères comme langue de scolarisation, il est de plus en plus question de l’intégration des TIC pour leur amélioration. Il apparaît opportun de nous questionner sur la relation entre les langues maternelles (locales) et l’intégration des TIC dans les écoles de ces pays. Notre objectif est de comprendre la perception des éducateurs de la relation entre les langues premières (langues maternelles) des apprenants et l’intégration des TIC dans les écoles des pays de l’Afrique de l’ouest.
Méthodologie
Les données qualitatives de cette étude proviennent de l’observatoire TIC du PanAf (http://www.observatoiretic.org/). Précisément de la catégorie Langue, sous catégorie relation entre l’intégration des TIC à l’école et les langues locales, qui comporte deux indicateurs. L’indicateur pris en compte dans cet article est la perception des éducateurs de la relation entre les langues premières (langues maternelles) des apprenants et l’intégration des TIC dans l’éducation. Pour la collecte de données qualitatives, l’échantillon est composé de 36 écoles réparties dans quatre pays (Figure1) : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Sénégal. Ces écoles sont issues aussi bien de l’enseignement primaire, de l’enseignement secondaire technique et général que de l’enseignement supérieur. La collecte des données ayant essentiellement porté sur la perception des éducateurs n’a pas pu s’effectuer dans trois des 36 écoles. La méthode d’analyse des données adoptée est celle de l’analyse de contenu (Van der Maren, 1995).
Figure Répartition des écoles selon le pays
Résultats
L’analyse des données montre que les éducateurs de 29 (4 écoles anglophones et 25 écoles francophones) des 33 écoles, soit presque 9/10, ne perçoivent pas de relation entre la langue maternelle de l’apprenant et l’intégration des TIC en éducation comme le confirment des éducateurs de l’institut de formation des maîtres de Bougouni au Mali « [nous ne voyons] pas de relation entre les langues maternelles des apprenants et l ’ intégration des TIC à l ’ école ». La raison essentielle évoquée par les éducateurs de la quasi-totalité des écoles est que la langue dans laquelle les enseignements sont dispensés est soit l’anglais pour le Ghana soit le français pour la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal. De plus, « tous les logiciels et autres applications sont en Anglais, en Français… » (éducateurs du cours Secondaire Méthodiste de Cocody, Côte d’Ivoire).
Pour la grande majorité des éducateurs de ces écoles, c’est en revanche la non-maîtrise du français ou de l’anglais, par les apprenants qui pourrait être un frein à l’intégration des TIC en éducation. En effet, comme le soutiennent les propos des éducateurs de l’IFM de Bougouni au Mali :
le medium d’enseignement est le français, les ordinateurs sont configurés en français ou en anglais si on ne maîtrise aucune de ces langues on est handicapé.
Ces éducateurs estiment aussi que la non-maîtrise de ces deux langues pourrait empêcher les apprenants de bénéficier des ressources issues d’internet comme l’attestent des éducateurs du Lycée Commercial El Hadj Abdoulaye Niass du Sénégal :
les meilleurs documents scientifiques et littéraires sont écrits en anglais et en français, une bonne intégration des TIC dans l ’ éducation est [ … ] conditionnée par la maîtrise de ces langues.
Quant aux éducateurs des pays francophones de l’Afrique de l’ouest, l’analyse des données semble mettre en évidence que le manque de contenus éducatifs en langue française pourrait être un frein à l’intégration des TIC en éducation dans ces différents pays. En effet, les éducateurs de 26 % des écoles de ces pays soutiennent « avoir eux-mêmes des difficultés avec les ressources en anglais sur internet » (éducateurs du collège Sacré-Cœur, Sénégal). Et les éducateurs du Lycée Cheik Anta Diop du Mali d’ajouter que :
la majorité des documents sont en anglais sur le net. [Par exemple] en sciences physiques on utilise un logiciel qui est en anglais, c’est un handicap.
En conclusion…
Le présent article avait pour objectif de mieux comprendre la perception des éducateurs de la relation entre les langues maternelles des apprenants et l’intégration des TIC dans les écoles de l’Afrique de l’Ouest. L’analyse des données semble montrer que d’une façon générale, les éducateurs ne perçoivent aucune relation entre l’intégration des TIC à l’école et les langues maternelles des apprenants. Par contre, ils estiment que si les langues officielles et langues d’enseignement ne sont pas bien maîtrisées, cela pourrait être un frein à l’intégration des TIC à l’école. Par ailleurs, des éducateurs francophones ont pour leur part estimé que le manque de contenus éducatifs en langue française pourrait être un frein à l’intégration des TIC dans les écoles en Afrique de l’ouest francophone.
Pour une intégration réussie des TIC en éducation en Afrique de l’Ouest, le présent article suggère de façon générale une bonne maîtrise des langues d’enseignement que sont le français et/ou l’anglais par les apprenants. De façon particulière, elle suggère une formation des éducateurs des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest à la production et/ou à la recherche de contenus pédagogiques francophones sur Internet. Et pour une bonne compréhension de la relation entre langues locales et intégration des TIC en éducation en Afrique de l’Ouest, il serait souhaitable de réaliser une étude d’envergure auprès des apprenants de ces écoles.
Références
Djédjé, V. (2007, Décembre). Implantation des technologies de l ’ information et de la Communication par des directrices et des enseignants de deux écoles secondaires en Côte d ’ Ivoire. Journées scientifiques RESATICE, Université Mohamed V-Souissi,Rabat, Maroc.
Mian Bi, S.A. (2010). Usages et compétence TIC en formation initiale à l’ENS d ’ Abidjan (Côte d ’ Ivoire) : cas des formateurs et des futurs enseignants.Thèse de doctorat non publiée, Université de Montréal, Canada.
Ngamo, S. T. (2007). Stratégies organisationnelles d ’ intégration des TIC dans l ’ enseignement secondaire au Cameroun : étude des écoles pionnières.Thèse de doctorat non publiée, Université de Montréal, Canada.
Silue, J. (2010). L ’ alphabétisation en langues nationales et le développement, African Education Development Issues 2, 2010, Educi, Abidjan, pp:111-132.
Van der Maren, J. M. (1995). Méthodes de recherche pour l ’ éducation. Montréal, Canada : Presses de l’Université de Montréal.
Article initialement publié sous licence CC sur adjectif.net :
http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article112
6 Replies to “Perception des éducateurs sur les langues et l’intégration des TIC dans les écoles de l’Afrique de l’Ouest”
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D’après toi, le fait de ne pas parler anglais/français n’est pas un frein à l’intégration des TIC, mais le manque de ressources disponibles en langue Française/Anglaise rend l’adoption des
TIC plus lente, c’est bien cela ?
Créer plus de contenu me semble donc être une solution à moyen terme ! N’oublions pas que lorsque la France a commencé à utiliser internet à des fins pédagogique il n’y avait pas beaucoup de ressource non plus
L’étude montre que le fait de ne pas parler le Français et/ou l’anglais qui sont les langues d’enseignement peut être un frein. Et qu’il n’existe pas de lien entre langues locales et intégration des TIC à l’école. Les écoles des pays Francophones estiment que le manque de contenus pédagogiques en français pourraient être un frein à une bonne intégration des TIC.
différentes sur le même continent est une problématique de taille !
La question pourrait-être donc doit on décliner le contenu pédagogique en plusieurs langues ou doit-on favoriser l’apprentissage de l’anglais et du français ? Y’a-t-il un débat en ce sens ou la décision est elle universellement déjà prise ?
Les langues locales ne sont pas des langues d’enseignement, donc créer des contenus en ces langues ne seront pas utiles du moins pour l’enseignement. Mais l’idée est d’utiliser aussi les TIC pour faire la promotion de ces langues. Des initiatives existent au burkina faso par exemple.
Contenu supprimé à la demande de l’utilisatrice 🙁
Pour avoir cette compétence, il faut que ces enseignants soient formés. En Afrique de l’ouest, la plus part des enseignants n’ont même pas une formation aux TIC de plus de 50h. Florence merci pour cette ressource que j’exploiterai avec mes futurs enseignants.