Éduquer à la responsabilité

29 septembre 2009 dans Education aux Droits Humains
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Internet a ceci de particulier qu’il a forcé la porte de nos écoles, avec plus de brusquerie qu’aucun média avant lui. Avant les années 80, on pouvait sans risque prétendre que l’environnement ordinaire des élèves était trop pauvre pour permettre les apprentissages, et que seule la salle de classe permettait à l’enseignant d’apporter les éléments essentiels. Ainsi, l’institution scolaire a pu prendre son temps pour intégrer l’apport de l’audiovisuel sans bousculer le schéma traditionnel de « l’enseignement en salle de classe ». Il en a été de même pour l’informatique, domaine où malgré les efforts de S. Papert par exemple [1] pour profiter de l’interactivité enfin possible, l’option a été vite prise d’utiliser les logiciels pour faciliter les exercices répétitifs.

Avec internet, on change de registre, d’abord parce que le développement du réseau a commencé de changer notre rapport à l’information, et plus récemment, notre rapport à la démocratie. La « Netiquette » qui avait cours au temps des échanges entres chercheurs et pionniers, n’a résisté ni à la massification ni au commerce. La société toute entière peine à mettre en place des règles et l’exemple récent de la loi dite DAVDSI [2] destinée à protéger les intérêt commerciaux et que les entreprises sont en passe de rendre caduque est sgnificatif. l’École n’est évidement pas épargnée, les affaires liées au phénomène des blogs, ceux des élèves mais aussi ceux des personnels, sont là pour nous le rappeler.

Pour le Sgen-CFDT, l’éducation à la citoyenneté est une démarche globale et transversale, qui ne s’arrête pas à une simple éducation à la civilité, ou même à la simple socialisation. C’est une démarche dynamique qui nécessite de permettre au jeune de vivre les pratiques citoyennes. Il s’agit même ici, et de façon urgente, de rendre citoyennes des pratiques quotidiennes.

NTICE, TICE ou TIC ?

L’acronyme TICE désigne indifféremment les outils pour faire la classe, ceux qui facilitent l’apprentissage, ceux dont il faut apprendre l’usage et qui figurent maintenant dans le socle commun. C’est sans doute pourquoi, malgré le volontarisme du ministère, les TIC ont tant de mal à franchir la porte de nos classes. On ne peut pas demander aux enseignants d’utiliser en classe, des outils qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment, et parfois moins bien que certains élèves. Il aura fallu une longue phase d’appropriation, et cela a sans doute été une erreur que d’en faire un outil pédagogique tant que ce n’était pas un outil pour la préparation des cours.
Malgré des inégalités encore criantes, les collectivités locales ont fait un réel effort pour équiper les établissements, mais on ne sait toujours pas qui doit fournir le personnel nécessaire au fonctionnement du matériel. Le responsable TICE d’un établissement est encore trop souvent une ressource qui dépanne plutôt qu’un coordonnateur de projet pédagogique. Et ce n’est pas un hasard si la tendance générale est de déléguer aux enseignants de technologie la mise en place du B2i.

En dépit de leur âge maintenant canonique, les technologies de l’information et de la communication restent donc nouvelles pour beaucoup et leur constante évolution rend difficile la distance indispensable à l’enseignement tel qu’il est aujourd’hui. La prise en compte des TIC dans l’éducation pose ainsi la question de la pédagogie, l’innovation ne peut pas être seulement technique.

Urgence et opportunité

Piratage, plagiat, cyber-criminalité, etc. les mots des médias jouent sur les peurs des uns et des autres pour parler d’internet. Jeu d’autant plus facile que l’ignorance, ou la simple non-maîtrise, induit déjà cette peur. Il est bien du rôle de l’éducation de démonter des mécanismes qui apparaissent magiques pour contrer à la fois les déviances et les abus de pouvoir. Dans le même temps, il y a urgence à développer une éducation citoyenne, tant la technologie n’est pas un problème pour les jeunes générations. Le phénomène du plagiat par copier-coller est à cet égard significatif : face à l’utilisation d’un moyen technique qui ne fait que faciliter une pratique ancienne, quelle peut être la réponse de l’institution ? Développer l’éducation à la recherche documentaire (avec ce qu’elle suppose de travail inter-disciplinaire en particulier avec les enseignants documentalistes), changer aussi les pratiques d’évaluation est sans doute plus long que de développer les techniques de repérage et l’arsenal de sanctions. Bien que plus coûteux, c’est surtout plus conforme à la mission de l’Éducation nationale.

Tous citoyens ?

Les nouveaux systèmes de publication dont les blogs ou les wikis sont des exemples, ont réussi à renouveler l’internet : d’utilisateur, chacun peut devenir acteur. Là encore, on parle plus volontiers des dérives que des réussites, et l’Éducation nationale doit faire avec un concept en construction qui bouscule ses modes de fonctionnement. Les mouvements d’éducation populaire, par exemple, se sont engagés dans l’aventure plus facilement que l’institution scolaire [3]. On peut citer aussi une expérience comme celle du réseau @Brest.
Un des risques du Web2.0 est d’aboutir à une juxtaposition d’expressions individuelles en lieu et place d’une connaissance ou une décision partagée. Pour que ces nouveaux outils collaboratifs permettent effectivement l’exercice, par tous, de la démocratie, il est indispensable que la montée en puissance de la technologie s’accompagne d’une éducation à la citoyenneté renouvelée. Faire apparaître la loi et les règles, non comme une contrainte de fait mais comme un moyen nécessaire aux échanges est une tâche que l’École doit assumer plus que jamais.

Éduquer à la responsabilité implique aussi pour les adultes une réelle cohérence entre les valeurs qu’ils affirment et les actes qu’ils posent au quotidien. La mise en place des ENT dans l’Éducation nationale peut conduire aussi bien à une externalisation des missions qu’à une mise en commun du travail des enseignants. Les sites des académies, ceux des CRDP, ceux d’associations comme Sésamath regorgent de ressources qui restent sous-exploitées et peu soutenues. Il y a pourtant là plus d’espoir en terme de démocratisation mais aussi de qualité de l’éducation que dans des clés USB à base de logiciels propriétaires et de services marchands.

Notes :

[1] Le Jaillissement de l’esprit Flammarion 1981

[2] Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information … du 1er août 2006

[3] voir par exemple http://www.injep.fr/Le-blog-au-service-des.html sur le site de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire

Cet article a été écrit, en tant que point de vue syndical pour la revue du CNDP « Les dossiers de l’ingéniérie éducative » en 2007. À cette date, je ne connaissais pas twitter, facebook et autres réseaux sociaux.